Ciel
Questions de vie

30 ans, pas d’enfant. Et alors?

« Alors c’est pour quand? Toujours pas envie? Oh tu verras, un jour cela viendra. »

Et bien peut-être pas.

Je ne sais pas pour vous, mais c’est un sujet que je vois revenir tout le temps en ce moment. Sur les réseaux sociaux, dans la bouche de mes collègues, dans certaines discussions entre amis ou en famille. Comme s’il fallait à nouveau se justifier sans cesse pour expliquer que ne pas être maman ou papa la trentaine passée n’était pas une hérésie, mais bien une réalité

Est-ce que le COVID-19, de par l’ennui des gens ou une certaine acidité due aux restrictions, a réorienté les discussions vers des débats de société dont on se serait bien passé ? Ou est-ce au contraire une question légitime que les personnes sont en droit de se poser, de nous poser parce que passer 30 ans, « la jeunesse s’est finie » ?

Je suis un peu dubitative sur la question. D’abord parce que je n’en comprends toujours pas l’intérêt, le raisonnement, l’objectif, appelez cela comme vous voudrez. J’ai du mal à concevoir qu’en 2021, on soit encore en train de demander à de jeunes adultes, qui parfois on fait 7 ou 8 d’études, pourquoi ils n’ont pas une « situation familiale stable » et qu’on les regarde avec jugement, dédain ou étonnement selon leur réponse ? Cela veut dire quoi d’ailleurs avoir une situation familiale stable ? Est-ce que c’est avoir un CDI, être marié et vivre dans un bel appartement ? Parce qu’on a bien vu que notre société actuelle ne voulait plus rentrer dans des cases construites par des gens qui ne sont déjà plus de ce monde. 

Ensuite, parce que j’ai encore du mal à concevoir pourquoi on voudrait nous faire croire que pour être heureux il faut absolument procréer un être vivant et endosser la parentalité à bras ouverts. C’est faux. Il y a des milliers de formes différentes de bonheur, propre à chaque être humain. Sans oublier qu’on met inconsciemment une claque de manière assez violente et injuste à toutes les personnes qui rêveraient d’avoir un enfant et qui malheureusement ne le peuvent pas, pour diverses raisons.

Pourtant, cette liberté de vivre sa vie comme on l’entend me parait importante à protéger, surtout maintenant, dans un monde où les limites de l’acceptable en société apparaissent de plus en plus faibles, que notre environnement s’affole, se restreint, souffre ; ou que l’on passe malheureusement la majeure partie de notre temps à courir après un bonheur fugace et artificiel qu’à prendre soin de soi-même. 

Et je trouve cela aberrant, presque scandaleux même, que l’on soit obligé encore maintenant de se justifier pour un droit qui reste le nôtre (celui d’avoir le choix) et qu’en parallèle certains soient capables de faire des leçons de morale et de manifester dans les rues pour que d’autres n’aient pas les mêmes droits, sous prétexte que le schéma parental ne devrait répondre qu’à un format. Que la normalité des uns soit imposée aux autres, comme si on devait tous vivre une vie identique, normée. 

Je me souviendrai toujours d’un commentaire déplacé que l’on m’a fait il y a quelques années lorsque j’avais évoqué l’idée d’adopter un enfant et que l’on m’avait rétorqué froidement « Mais cela ne sera pas ton enfant, ta chair, ton sang ». Il me semble bien pourtant que pour construire une famille il faut, au départ, deux personnes sans lien de parentalité identifié.Alors expliquez-moi pourquoi je ne pourrais pas, selon vous, aimer cet enfant de tout autant que s’il était sorti de mon corps? Et qui plus est, beaucoup d’exemples ont montré que les liens de sang ne faisaient pas tout. La pire des ordures peut faire partie de vos aïeux tandis que les personnes les plus importantes à votre vie peuvent être « des étrangers de sang ». 

Alors, pour toutes celles et ceux qui sont fatigué(e)s, blessé(e)s, agacé(e)s, perdu(e)s, dépassé(e)s, tristes, résigné(e)s ou même écœuré(e)s d’entendre ces questions, commentaires ou jugements depuis quelques jours, quelques mois voire même plusieurs années, j’ai déjà envie de vous dire que vous n’êtes pas seul(e)s, voire même bien plus que vous ne l’imaginer. Mais j’ai aussi envie de vous dire que :

C’est OK de ne pas avoir d’enfant a 30 ans. 

C’est OK de décider de ne jamais avoir d’enfant. 

C’est OK de ne pas changer d’avis, même des années après.

C’est OK de décider de faire un enfant à 20 ans, à 30 ans, à 40 ans, à 50 ans, bref quand vous le voulez.

C’est OK de vouloir réaliser d’autres projets, se réaliser soi-même avant d’avoir un enfant.

C’est OK de faire un enfant tout(e) seul(e).

C’est OK de vouloir attendre le bon moment, la bonne personne.

C’est OK de vouloir vivre votre vie comme vous en avez envie, peu importe que les gens autour de vous comprenne ou pas.

C’est OK de se faire confiance et de suivre son instinct pour savoir ce qui est le mieux pour soi.

Et c’est OK de dire aux autres que cela ne les regarde pas.

Chacun d’entre nous a un passé ; chacun d’entre nous a rencontré, rencontre ou rencontrera des obstacles dans la vie qui remettront en doute ses croyances, ses envies, son jugement, ses positions. Il y a déjà suffisamment de pression autour de nous, en général, pour en plus devoir subir une pression inutile, contre-productive, venant appuyer un peu plus sur le bouton du mal-être. Et rappelons aussi (point important) que ce n’est pas parce qu’on ne veut pas d’enfant que l’on n’aime pas les enfants, ou que c’est n’est pas à cause de notre conjoint(e) qu’il n’y pas d’enfants. Combien de fois ai-je entendu que c’était à cause de mon cher et tendre, et que j’allais souffrir ou le regretter. Alors que non. Je partage simplement ma vie avec quelqu’un qui a la même vision que moi, les mêmes envies.

Personne n’a demandé de se faire juger par un tribunal populaire illégitime. Personne n’a demandé de recevoir des leçons de morale basées sur un mode de vie qui n’est pas le sien. Personne n’a demandé de se faire mettre sur le piloris de la culpabilité alors qu’il ou elle n’a simplement (encore) rien fait. Laissons vivre les gens comme ils l’entendent. Laissons-les changer d’avis, se tromper, essayer, recommencer, aimer.

Et même si les commentaires que vous pouvez parfois recevoir sur cette question épineuse sont méchants, ingrats, futiles, sans intérêt, restez-vous-même. Restez fidèles à vos envies, votre intuition, restez fidèles à vos rêves. Soyez votre meilleur(e) ami(e) et n’en voulez à personne. Continuez de répandre de la bienveillance et de la compassion autour de vous. Le monde en a bien besoin.

« La liberté n’est pas une oisiveté ; c’est un usage libre du temps, c’est-à-dire du travail et de l’exercice. Être libre, en un mot, ce n’est pas rien faire, c’est d’être le seul arbitre de ce que l’on fait ou de ce qu’on ne fait pas »

Jean de la Bruyère

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