Armée autrement
Questions de vie

Devoir de mémoire : se servir du passé pour bâtir le futur

L’année dernière, je vous partageais dans un article mon questionnement sur la définition du devoir de mémoire (cliquez ici : « Peut-on encore parler de devoir de mémoire ? ») et ses limites, surtout à notre époque. Je préférais d’ailleurs parler de « devoir d’histoire » pour des questions d’indépendance et de neutralité. Aujourd’hui, en ce 8 mai 2024, soixante-dix-neuf ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, je voudrais profiter de ce jour solennel pour vous rappeler à quel point il est important de ne pas oublier.  

Je sais que dans une époque où la « cancel culture » prend de plus en plus de place (à tort ou à raison), cela peut paraitre un poil provocateur, et pourtant il y a bien une raison toute simple à cela : ne pas oublier pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Parce qu’on ne peut pas avancer si on ne se souvient pas des routes à ne plus emprunter et on ne peut pas enseigner de nouveaux principes si on ne se souvient pas du chemin parcouru.

Alors aujourd’hui, même si les vidéos courtes sur TikTok ou Instagram sont séduisantes pour nous faire croire que l’on peut comprendre des conflits entre nations en moins de cinq minutes, j’ai envie de vous rappeler pourquoi il est important de se souvenir de notre histoire commune (au sens de l’humanité). Je vous partage aussi quelques recommandations d’œuvre à lire ou visionner si cela vous tente.

« La mémoire est la sentinelle de l’esprit »

William Shakespeare

Pour comprendre, il est important d’étudier les faits.

Lorsqu’on essaye de comprendre ce qu’il s’est passé dans le cadre d’un évènement précis, il est difficile de le faire en excluant le contexte dans lequel il se positionne. Tout évènement majeur dans l’histoire de notre espèce s’inscrit dans un environnement propre avec des circonstances particulières. Ce n’est jamais blanc ou noir, mais très souvent gris. C’est pourquoi il est important de prendre le temps d’étudier le contexte qui s’y raccroche pour comprendre tous les tenants et aboutissants.

Se focaliser sur les faits permet également de conserver un regard objectif, et donc, une certaine neutralité. Pour beaucoup d’entre nous, nous n’avons pas vécu la majorité des gros conflits qui ont marqué notre histoire et sommes suffisamment chanceux/ses pour ne pas vivre les actuels. Alors ne tombons pas dans la démagogie de nous croire plus intelligent que les autres sous prétexte qu’on a lu un article sur Wikipédia.

Il faut lire des récits provenant de chaque partie, il faut se fier aux conclusions de scientifiques, d’historiens et géopoliticiens dont le métier est d’effectuer ce travail de recherches. Il faut consulter des documentaires, regarder des vidéos spécialisées sur le sujet (de plus de cinq minutes) et lorsqu’on le peut, écouter des témoignages. Ne devenez pas l’expert du rien juste pour impressionner à la machine à café. Choisissez un sujet qui vous anime, et renseignez-vous en profondeur. Pas besoin de devenir une encyclopédie ambulante sur toute notre histoire (sauf si cela vous passionne !) mais faites en sorte au moins de maitriser un minimum les sujets sur lesquels vous vous prononcez.

Petite anecdote : Pour ceux et celles qui sont né(e)s dans les années 90 (#wearethebest), notre scolarité a été bercée par l’étude de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai eu la chance de partir à Auschwitz lorsque j’avais dix-sept ans avec le club d’histoire de mon lycée et de faire une visite du camp avec d’anciens réfugiés. Cela a bouleversé ma vision des choses et m’a donné envie de comprendre ce qui avaient pu pousser les Allemands a voté pour Hitler et comment des hommes avaient pu devenir des SS. Lire « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell m’a permis d’avoir un regard diffèrent sur ces hommes endoctrinés. Depuis j’essaye de toujours appliquer ce principe des deux visions lorsque je m’intéresse à un sujet (historique ou non).

Pour comprendre, il est important de conserver sa compassion.

Comprendre ne veut pas dire accepter tout comme pardonner ne veut pas dire oublier. L’idée ici est de ne pas tomber dans la haine inutile. Il faut savoir regarder les faits tels qu’ils sont, avec leur part de lumière et d’ombre, comme lorsqu’on juge une affaire dans un tribunal. Conserver sa part de compassion ne veut pas non plus dire que vous ne pouvez pas prendre position. Vous avez tout à fait le droit d’être d’accord ou pas d’accord, de cautionner ou non des agissements voire même de vous insurger. Mais pour le faire avec une certaine légitimité, il faut aussi être capable de comprendre et d’entendre le point de vue de l’autre (aussi diffèrent puisse-t-il être). Rares sont les conflits où seulement l’une des parties à tort alors il est important de garder une petite part d’humanité. C’est ce qui vous distinguera des autres.

On aura beau dire ce que l’on veut, on ne pourra jamais se mettre à la place de ces gens qui ont vécu (ou fait vivre) des tragédies. Malgré tous les scenarios possibles que l’on peut s’imaginer dans notre tête, on ne saura jamais (et dans un sens tant mieux pour nous) si à leur place on aurait pris telle ou telle décision, si à leur place on aurait fait partie de tel ou tel camp. Il y a trop de paramètres inconnus, de destins croisés et d’instants volés pour être capable de se positionner. Alors ayons au moins l’humilité de ne pas juger.

Pour comprendre, il est important de ne pas oublier.

Oublier, c’est prendre le risque de recommencer. Ne pas partager, ne pas rappeler ce qu’il s’est passé (de manière factuelle), c’est prendre le risque que des générations futures reproduisent les mêmes erreurs. Alors il est important de continuer à partager son savoir, notamment lorsque les témoins directs de certains conflits ont disparu, et de perpétuer le souvenir pour honorer les mémoires.

Ce n’est pas un exercice facile car le temps fait aussi son travail pour éliminer petit à petit les effets négatifs d’un tel partage, et avec les années, on se sent de moins en moins concerné. C’est humain comme sentiment, car c’est lointain.  Les évènements nous touchent moins, les membres de nos familles qui les ont vécus sont déjà partis rejoindre un monde meilleur et l’évolution de nos sociétés nous pousse à regarder ailleurs. Comment en vouloir aux jeunes de ne pas s’intéresser à certains évènements qui se sont déroulés avant même la naissance de leurs grands-parents ?

Il n’y a pas de recette parfaite ni de voie toute tracée pour assurer la pérennité de ce devoir de mémoire (ou d’histoire). Mais il est important, à mon sens, que l’on fasse tous/toutes notre part du colibri. Il est important que l’éducation que l’on donne aux adultes de demain soit factuelle et neutre pour faire de ces nouvelles générations des adultes conscients de ce que leur passé a appris à l’humanité et pour qu’ils puissent développer sereinement leur propre libre arbitre.  

Quelques recommandations d’œuvres à ne pas louper

Voici une liste de suggestions d’œuvres à voir ou à lire pour élargir votre champ de vision sur certains sujets. Evidemment, la liste n’est pas exhaustive car il y a tellement d’œuvres et de sujets qu’il serait impossible de tout lister. Ce n’est qu’une maigre sélection de ce que je trouve intéressant. N’hésitez pas à partager les vôtres en commentaire !

FILMS, SERIES & DOCUMENTAIRES

  • Séries « Band of Brothers », “The Pacific” et “Masters of the Air: Si comme moi vous adorez tout ce qui se rapproche de près ou de loin à la Seconde Guerre Mondiale, vous allez adorer ces trois séries qui abordent cet évènement sous différents angles. Toutes ont été réalisées et produites par Tom Hanks et Steven Spielberg sur la base d’histoires vraies. Sans oublier que les castings sont fous !
  • Les documentaires d’Arte : On ne mentionne plus cette chaine qui propose toujours des contenus de qualité que l’on peut retrouver sur leur site internet (cliquez ici) ou sur leur chaine YouTube (cliquez ici).
  • Le film « The Pianist » : Chez d’œuvre réalisé par Roman Polanski, avec un Adrian Brody magistral, qui raconte l’histoire d’un jeune pianiste juif dans le chaos d’une Allemagne Nazi.
  • Le film « 1917 » : Réalisé par Sam Mendes, c’est l’un des films les plus marquants sur la Première Guerre Mondiale que j’ai pu voir.
  • Le film « The Imitation Game » : Si vous avez toujours voulu savoir comment Alan Turing a réussi à déchiffrer Enigma, cet appareil créé par l’armée allemande pour communiquer secrètement, c’est par ici que cela se passe.
  • Le film « Oppenheimer » : Avec un Cillian Murphy époustouflant, ce film vous invite à vous questionner sur les liens entre avancées scientifiques et tragédies de guerre.

LIVRES & CHAINES YOUTUBE

  • Le livre « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell : On ne va pas se mentir, ce livre est un pavé mais une œuvre incroyable pour entrevoir l’envers du décor des SS et tenter de comprendre ce qui a poussé tant d’individus à agir de la sorte.
  • Le livre « Opération Serval » : pour en apprendre un peu plus sur l’une des opérations les plus importantes de l’armée française au Mali, le tout raconté au travers d’un journal de bord.
  • Le livre « Fin de mission » : Suivez les histoires liées de plusieurs soldats de l’armée américaine sur les lignes de front de l’Irak et de l’Afghanistan et l’impact que cela a eu sur leur vie, là-bas ou une fois de retour au pays.
  • La chaine YouTube de NotaBene : Une de mes chaines préférées pour en apprendre un peu plus sur l’histoire du monde, de l’antiquité à nos jours sur des sujets précis, en moins de 30 minutes.
  • La chaine YouTube de « C’est une autre histoire » : Manon vulgarise certains sujets de manière simple et ludique.
  • La chaine YouTube de « Confessions d’histoire » : On aime les vidéos courtes racontées sous forme de mises en scène avec des acteurs qui jouent le rôle de proches ou personnages clefs.

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