Cela veut dire quoi « être responsable » ?
Vous savez, cette petite phrase que l’on entend souvent, surtout lorsqu’on est jeune, un peu comme une critique ou un constat sans surprise de la bouche de personnes généralement plus âgées que nous.
Mais qu’est ce ce que cela veut dire au juste « prendre ses responsabilités », « agir comme quelqu’un de responsable » ou bien encore « avoir le sens des responsabilités » ? Est-ce qu’il y a un standard sociétal auquel tout le monde doit ou devrait se conformer pour déterminer si on est apte ou non à répondre à ce critère ? Et quand bien même cela serait le cas, qu’est ce qu’il advient de ceux qui sont considérés comme « irresponsables » ? Quel poids cela fait-il poser sur les épaules de chacun(e) pour répondre à une pression imposée par des individus quelconques et souvent bien loin des vies que l’on mène ?
C’est une question que je me pose souvent. Tout d’abord parce que c’est une phrase qui a longtemps raisonné dans mon esprit, dans mon environnement et dans ma construction en tant que personne. Il fallait faire bien, répondre aux exigences des autres pour prouver qu’on en valait la peine et se battre pour gagner sa place dans le cercle très fermé des meilleurs. Pourtant est-ce que les esprits les plus novateurs, transgressifs, reconnus comme ayant faits avancer la science, la technologie voire même le monde sont généralement considérés comme faisant parties des personnes les plus responsables ?
Étymologiquement, le mot « responsabilité » vient du latin « respondere » qui veut donc dire « répondre », et qui tire lui-même son origine du mot « spondere », à traduire par « promettre ». Le mot lui-même a donc une double connotation. Littéralement parlant, cela reviendrait à dire que l’on est quelqu’un de responsable lorsque l’on tient ses promesses et qu’on est capable de répondre de ses actes ; donc de les expliquer et d’en prendre la responsabilité, peu importe leur conséquences. En d’autres termes c’est faire ce que l’on dit et assumer ce que l’on fait.
Si tel est le cas, pourquoi alors notre chère société moderne emploie ce terme ou les expressions associées de près et de loin avec des connotations de jugement, de remise en question voire même d’inquisition moralisatrice ? Comment expliquer à des jeunes en devenir que s’ils tiennent leurs promesses et qu’ils font ce qu’ils ont envie de faire, ils pourront quand même être considérés comme irresponsables par d’autres pairs qui auront estimés que leur avis, leur pensées ou leurs actes ne sont pas en accord avec la société dans laquelle ils vivent ou ce qu’ils estiment comme normal ?
Cela veut-il dire que toute erreur commise sera condamnée, ou uniquement les fautes commises en comparaison avec un référentiel établi, tel que les lois ou réglementations ? Et après tout, envers qui le sens des responsabilités s’applique-t-il ? Uniquement envers les autres, seulement envers soi-même ou un mélange des deux ? On dit souvent que les parents sont responsables des actes de leurs enfants, mais jusqu’à quel degré ? Jusqu’à ce qu’ils soient capable de faire la balance entre le bien et le mal, le légal et l’illégal, le bon et le mauvais ? Est-ce que c’est d’ailleurs pour cela que dans certaines fonctions, la responsabilité personnelle des représentants légaux ou d’employés peut être engagée en cas de manquements ? Et peut-on être responsable sans être éthique, loyal, transparent et/ou honnête ?
C’est une question que j’aimerai bien voir poser dans les sujets de bac de philosophie, pour pouvoir lire différents points de vue et confronter les idées. Car trop souvent notre environnement social détermine presque automatiquement, sans aucune nuance, recul ou compréhension de l’autre, des étiquettes que chaque individu se doit d’obtenir pour montrer patte blanche. Mais qui est l’autre pour juger que tout plaquer et partir faire un tour du monde est irresponsable ? Qui est l’autre pour dire que ne pas avoir investi à trente ans est irresponsable ? Qui est l’autre pour juger d’une vie qui n’est pas la sienne, sur la base de standards et de croyances qui ne sont pas les siens ?
Dans son livre « Chef de Guerre » aux éditions Mareuil, Louis Saillant écrit : « Prendre des responsabilités est un chemin fondamental pour donner du sens à son existence. Chacun a en lui les moyens de se prendre en main, d’agir plutôt que de réclamer, de réaliser que ses échecs ne sont pas dus aux autres mais d’abord à soi-même, pour enfin croître jour après jour ».
Et si ce n’était pas cela, au final, le véritable sens de la responsabilité ?
